Chers frères et sœurs de la famille Olympique africaine,
Les 32èmes Jeux Olympiques d’été organisés du 23 juillet au 8 août 2021 viennent de s’achever dans la capitale nippone avec leur lot de satisfactions pour certains et tout naturellement de déceptions pour d’autres. Après deux semaines de compétition, de sueur, de larmes de joie et de douleur, les lampions se sont donc éteints sur cette grande manifestation qui a regroupé des athlètes venant des quatre coins de la planète. Cette manifestation s’est tenue dans un contexte particulièrement difficile marqué par les affres de la pandémie du Covid19 imposés au monde avec pour conséquence une restriction formelle de brassage massif de spectateurs comme à l’accoutumée. Fort heureusement, le défi a été brillamment relevé par le Comité International Olympique et par le Japon, pays hôte des Jeux. Tout ceci grâce à la perspicacité et aux efforts que n’a cessé de déployer le président Thomas Bach à qui j’adresse ici mes vives et chaleureuses félicitations. Au nom du mouvement Olympique et sportif africain, je salue également son incroyable engagement et sa foi inébranlable sans lesquels les fruits n’auraient pas tenu la promesse des fleurs. C’est bien le lieu de dire un sincère et grand bravo. Je remercie aussi les autorités japonaises pour la mobilisation de plusieurs milliers de volontaires dévoués, dont la bravoure et l’engagement ont été d’une rare efficacité. Je loue également la rage de vaincre et la ténacité des athlètes du monde en général et africains en particulier.
A l’heure actuelle, il serait difficile de dresser un bilan complet de la participation de l’Afrique à ces Jeux. Néanmoins, nous pouvons, jetant un coup d’œil dans le rétroviseur, commencer à nous accorder sur quelques faits marquants de cette présence de notre continent en terre nippone. Nous avons vécu à Tokyo des moments palpitants et inoubliables qui ont été marqués par la fraternité, une très belle ambiance, des compétitions colorées… La jeunesse du monde a ainsi vécu des moments passionnants et déterminants dans le cadre de cette manifestation. Ces jeux marqueront l’histoire, j’en suis certain. Ceux des Africains qui y participaient pour la première fois ont fait à n’en point douter des découvertes exceptionnelles. Tokyo 2020 a été un cadre magnifique où les valeurs d’éthique, de fair-play, de respect de l’adversaire, d’un mode de vie sain et de modestie ont été mises en avant.
Si quantitativement, le bilan en termes de nombre de médailles glanées par l’Afrique a régressé ; passant de 45 enregistrées à Rio à 37, qualitativement le continent est en droit d’exulter. En effet, de 10 médailles d’or à Rio en 2016, nous sommes passés à 11 breloques à Tokyo. Bravo à tous ces sportifs qui ont fait briller l’étoile de l’Afrique à ces jeux. Ils ont surmonté les graves défis posés par la pandémie du covid-19 lors de leur préparation à cette compétition. Au cours des 16 jours de Tokyo 2020, l’Afrique sportive a prêté une attention particulière à leurs performances sur le terrain et elle est heureuse et fière de chaque accomplissement de ses ambassadeurs. Ayons ensemble une grande estime pour tous ces athlètes qui ont su défendre les valeurs de notre continent. Chacun d’eux a travaillé dur et déployé les plus grands efforts pour remporter une médaille, certains ont pu réaliser leur rêve, d’autres pas. Plusieurs parmi nos athlètes ont réussi des performances impressionnantes et montré des capacités incroyables en affrontant leurs rivaux. La diversité des pays ayant décroché des médailles et celle des disciplines dans lesquelles les lauriers ont été remportés montre que notre potentiel sportif reste très élevé. On notera tout de même que, comme depuis 1968, l’athlétisme reste la discipline la plus pourvoyeuse de médailles pour notre continent.
Mais, au-delà des chiffres, et des performances sportives, accordons nous sur le fait qu’à Tokyo, les Africains ont été en phase avec le triptyque de Coubertin : «Excellence, Amitié, Respect».
Sur le plan comportemental, on peut se satisfaire qu’aucun athlète africain ne se soit fait déclasser suite à un contrôle antidopage positif. Néanmoins, je réitère l’engagement de l’ACNOA à lutter contre ce fléau. Les pays africains doivent envisager de se doter chacun d’une agence nationale de lutte antidopage, comme il en existe dans beaucoup de nations.Cela permettrait sans doute de prévenir les situations désagréables.
Dans le même ordre d’idées, on n’a pas enregistré de cas d’abandon ou de fugue pour immigration clandestine comme ce fut le cas à Londres en 2012. Cette prise de conscience de nos athlètes est à saluer. C’est l’occasion pour moi ici de lancer un vibrant appel à tous les pays africains pour l’adoption d’un statut pour les athlètes de haut niveau. Ceux-ci doivent vivre pleinement de leur métier. Cela pourra constituer une amorce de solutions aux cas, de plus en plus nombreux, d’immigration observés et d’adoption de nationalités étrangères par plusieurs de nos meilleurs sportifs. Dans cette situation, l’Afrique en paye le plus fort prix puisque les médailles engrangées par ces derniers reviennent aux pays d’accueil.
Tout n’a pas été rose pour l’Afrique à Tokyo ; l’inégale répartition géographique des trente-sept médailles africaines amène à marquer un temps d’arrêt nécessaire pour cogiter. Si les athlètes des pays d’Afrique de l’Est, du Nord, Australe et de l’Ouest ont pu décrocher des médailles, ce n’est pas le cas pour ceux de la partie centrale du Continent qui achèvent ces jeux sans aucun laurier. Ces disparités entraînent une réflexion articulée au moins autour de deux axes. D’abord que les politiques sportives semblent encore souffrir de carences prévisionnelles dans la participation de leurs athlètes aux échéances internationales. Ensuite que les politiques publiques en matière de sport ne n’offrent pas les conditions optimales pour une émulation des athlètes au niveau du suivi des carrières. La promotion d’autres disciplines sportives pourvoyeuses de médailles, à côté du football s’avère donc nécessaire.
L’autre enseignement à tirer de ces jeux est d’ordre administratif, et il se situe au niveau de la préparation des athlètes au moins à deux stades. D’abord, il faut que les pays dont les athlètes ont glané des médailles cherchent à consolider les acquis de Tokyo. Ceci passe par un suivi rigoureux de ces sportifs. Pour les autres pays, les politiques sportives doivent immédiatement inscrire comme priorité la préparation des athlètes aux diverses compétitions internationales. Je le clame depuis mon arrivée à la tête de l’ACNOA, les performances de haut niveau se préparent ; cela ne saurait être le fait des seules fédérations, mais l’implication de tous acteurs du sport : gouvernements, CNO, fédérations, clubs…le concept « ensemble » introduit dans la devise du CIO n’est pas vain. Il doit nous amener à agir en synergie pour le plein épanouissement de nos athlètes, nous sommes à leur service. L’ère des grands dirigeants omnipotents et omniscients est révolue. Il doit céder la place à une gestion collégiale de la participation aux échéances internationales, avec au centre des préoccupations, l’athlète.
Les pays africains doivent se mobiliser davantage pour créer des conditions optimales de préparation et de suivi des sportifs. Cela passe par des directions techniques bien structurées et puissantes au niveau des fédérations et des CNO, une politique de détection des talents, une coopération entre les différents acteurs du mouvement sportif national, une bonne planification et le soutien financier du secteur privé.
Chaque pays doit se doter d’un référentiel stratégique pour préparer les compétitions et suivre ses athlètes. Tout doit être planifié : athlètes ciblés, analyse de leurs possibilités, objectifs, personnel d’encadrement, moyens nécessaires pour améliorer leurs performances, modalités de suivi, financement des campagnes de préparation…Autant de points qui doivent nous interpeller dès maintenant, car la hiérarchie des nations rappelle tous les quatre ans que le classement des médailles ne relève pas du hasard.Le potentiel humain est là, il reste plus qu’à le canaliser ; car Paris 2024, c’est demain, et demain se prépare maintenant !
Ensemble, soyons plus vite et plus forts
Mustapha BERRAF
Membre du CIO
Président de l’ACNOA